Evaluation des
Incertitudes-types


Les incertitudes liées aux différentes grandeurs d’entrées sont classées en deux catégories fondées sur leur méthode d’évaluation « A » ou « B ». Ces deux types d’évaluation s’appuient sur des lois de probabilité qui sont quantifiées par des écarts-types appelés incertitude-type. L’incertitude-type de Type A va être obtenue grâce à une densité de probabilité déduite d’une distribution à partir de données expérimentales, d’observation et de mesures répétées. L’incertitude-type de Type B est obtenue à partir de lois de probabilité préétablies, fondées sur le degré de croyance en ce qu’un événement se produise. Pour illustrer cette notion de densité de probabilité d’une grandeur d’entrée Xi, nous prendrons l’exemple d’un jeu de fléchette en utilisant la méthode d’évaluation de Type A (figure 1).


Figure 1 - Résultats de quatre évaluations de type A illustrées par un jeu de fléchette. Chaque résultat des grandeurs d’entrée Xi est représenté par un histogramme de positions latérale des impacts qk (variables aléatoires) de chaque cible. L’histogramme permet de montrer la densité de probabilité engendrée par les variables aléatoires qk.


En métrologie, la grandeur Xi est quantifiée en caractérisant son espérance mathématique μk et son écart-type µk. L’espérance mathématique μ d’une grandeur Xi est la valeur espérée d’une population ayant au total N variables aléatoires qk, elle définit la moyenne pondérée d’une densité de probabilité. L’espérance mathématique est donnée par la somme des valeurs de toutes les variables aléatoires de la population pondérée par leur probabilité pk :


(1)

Cependant la population qui définit la grandeur Xi et la probabilité pk de chaque variable aléatoire qk n’est pas connue. Par conséquent il faudra estimer cette espérance à partir d’un échantillon aléatoire prélevé dans cette population et obtenir ainsi une représentation statistique [1]. Pour cela, les variables aléatoires mesurées (fléchettes tirées dans cette exemple) vont constituer un échantillon de cette population et composer une densité de probabilité représentative de la densité de probabilité de la population (histogramme de la figure 1). Ainsi si nous répétons la même expérience avec un grand nombre n de variables aléatoires, la moyenne de cette densité de probabilité se rapproche de l’espérance de la population (dans cette exemple, la population est toute la surface de la cible où sa densité de probabilité et son espérance sont inconnues). Par conséquent, chaque variable aléatoire qk qui varie au hasard et pour laquelle n observations indépendantes ont été obtenues, l’espérance est la moyenne arithmétique donnée par :


(2)

Les valeurs d’observations individuelles qk diffèrent en raison des variations aléatoires des grandeurs d’influences, ici caractérisées par la dextérité du lanceur de fléchette par exemple. Cette variance V(q) va indiquer de quelle manière les variables aléatoires qk se dispersent autour de son espérance μ. La variance des N observations de la population, qui estime la variance de la densité de probabilité des qk, est donnée par :


(3)

Dans le cas où nous souhaitons obtenir la variance expérimentale par le biais des n observations mesurées dans notre échantillon, l’équation est donnée par :


(4)

Cette variance u² est appelée variance empirique sans biais car nous avons n − 1 au dénominateur et non n étant la taille de l’échantillon. Estimer l’espérance de la population μ par la moyenne de l’échantillon q dans un calcul de variance réduit le degré de liberté de n − 1, car nous avons déjà 1/n dans le calcul de la moyenne, par conséquent la connaissance de la moyenne de l’échantillon q fait déjà partie des n − 1 valeurs de l’échantillon [2].

Tableau 1 - Illustration des notions de population et d’échantillon avec leur moyenne et variance.


La variance permet d’élever au carré la dispersion des variables aléatoires autour de la moyenne pour éviter que les valeurs symétriques autour de la moyenne ne se compensent. Par conséquent, l’estimation de la racine carrée de cette variance va conduire à l’écart-type expérimental caractérisant la variabilité des variables aléatoires, plus spécifiquement, leur dispersion autour de leur moyenne q :


(5)

L’écart-type expérimental u(qk) est nommé l’incertitude-type de la grandeur d’entrée Xi que nous cherchons à mesurer (u(Xi,k)). En utilisant l’exemple de la figure 1, nous pouvons caractériser les grandeurs d’entrée X1, X2, X3 et X4 par les mesures réalisées respectivement sur les quatre cibles. Nous prendrons en compte seulement la distance à l’horizontale en millimètre. Pour la première cible X1, il y a une grande dispersion où il y a une chance égale de tirer sur n’importe quelle partie de la cible. La grandeur d’entrée est caractérisée par des erreurs de mesures aléatoires (erreurs de tir dans cet exemple) où sa densité de probabilité est uniforme de -1 mm à 1 mm. Ainsi la grandeur d’entrée X1 est caractérisée par une moyenne X1 de 0 mm et une incertitude-type u(X1) de 0.58 mm. Pour la grandeur d’entrée de la deuxième cible X2, les mesures effectuées sont concentrées vers le centre de la cible, sa densité de probabilité suit une loi normale ou loi Gaussienne. Sa moyenne X2 est de 0 mm et son incertitude-type u(X2) est de 0.33 mm. La troisième cible de grandeur d’entrée X3 a été volontairement créée par des variables aléatoires sinusoïdales afin d’illustrer une densité de probabilité caractérisée par une loi de dérivée d’arc sinus, ainsi nous obtenons une moyenne X3 de 0 mm et une incertitude-type u(X3) de 0.71 mm. Pour le dernier exemple, la densité de probabilité de la grandeur d’entrée X4 est représentée par une loi triangle rectangle, sa moyenne X4 est de 0.33 mm et son incertitude-type u(X4) de 0.12 mm. Dans ce dernier exemple, la moyenne est caractérisée par l’erreur systématique puisque nous cherchons à être au centre de la cible, il faudra donc apporter une correction de -0.33 mm.

Ces exemples d’évaluations de Type A ont permis d’illustrer les outils nécessaires pour calculer l’incertitude-type d’une grandeur d’entrée Xi à partir de mesures expérimentales répétées. Concernant l’évaluation de Type B, dans le cas où l’estimation des variables aléatoires d’une grandeur Xi n’est pas obtenue à partir d’observations répétées, l’incertitude-type est évaluée par un jugement scientifique fondé sur toutes les informations disponibles au sujet de la variabilité possible. L’ensemble des informations peut provenir de résultats de mesures antérieures, de l’expérience et de la connaissance générale du comportement ainsi que des propriétés des matériaux ou d’instruments utilisés, des spécifications du fabricant, des données fournies par des certificats d’étalonnage, d’incertitude assignée à des valeurs de référence provenant d’ouvrages et manuels. Une incertitude de Type B peut être aussi fiable qu’une évaluation de Type A, sachant qu’elle ne se limite pas au nombre d’observations expérimentales réalisables pour établir une densité de probabilité. Il existe différentes lois usuelles pour le calcul d’incertitude, les plus utilisées en métrologie sont représentées dans le tableau 2. Les termes a+ et a- sont les limites supérieure et inférieure de la densité de probabilité autour de la moyenne pour la grandeur d’entrée Xi. Ces bornes ne sont pas obligatoirement symétriques autour de 0 telles que l’exemple de la densité de probabilité triangle rectangle présentée dans le tableau 2.

Tableau 2 - Exemples de lois de probabilité utilisées en métrologie pour l’évaluation de Type B.


La loi uniforme est souvent utilisée lorsque seulement les limites [a-, a+] sont estimées mais que la connaissance spécifique sur les valeurs possibles de Xi, k à l’intérieur de l’intervalle n’est pas connue. Ainsi la grandeur d’entrée Xi est supposée probable de manière égale en tout point de l’intervalle. Par exemple, si un fabricant fournit une pièce de longueur l comprise entre 99 mm et 101 mm, cela signifie que ±a = ±1 mm définit un intervalle où chaque valeur à l’intérieur de cet intervalle a le même niveau de confiance, par conséquent en moyenne nous avons une longueur de l = 100 mm et une incertitude-type de u(l) = a/√3 = 0.58 mm. L’utilisation de la loi uniforme est aussi utilisée lorsqu’une valeur est fournie par un appareil ayant une résolution (pas de quantification) de valeur Q, ainsi son intervalle est obtenu par sa demi-étendue ±a = ±Q/2 et son incertitude-type vaut u(Q) = Q/(2√3).

Plus généralement, lorsque la base d’informations est disponible, la loi utilisée est souvent une distribution gaussienne afin de pouvoir donner différents niveaux de confiance. Ce niveau de confiance est caractérisé par l’incertitude-type élargie, c’est à dire que l’incertitude-type va être multipliée par un facteur de coefficient d’élargissement k où pour k = 1, 2 ou 3, nous avons respectivement 68.27%, 95.45% ou 99.73% de chance que la mesure se trouve entre ±σ, ±2×σ ou ±3×σ (voir l'onglet incertitude élargie). Ainsi, par exemple lors de l’utilisation d’un étalon de masse m de 1 kilogramme, le certificat d’étalonnage indique une incertitude sur cette valeur de 1.5 gramme à k=3 (soit 99.73% de chance que la valeur de l’étalon se trouve entre 998.5 grammes et 1001.5 grammes), son incertitude-type est tout simplement u(m) = 1.5/3 = 0.33 g. Un autre exemple, dans le cas où nous souhaitons poser un objet au centre 0 d’un repère en estimant ne pas dépasser les 1 mm d’erreur, nous pouvons établir que l’objet aura une très grande chance de se trouver au centre du repère qu’en dehors des bornes ±a = ±1 mm, dans cette hypothèse nous pouvons utiliser une loi normale et estimer l’incertitude-type à 1/3 mm.

L’utilisation de la loi de la dérivée arc sinus peut être utilisée par exemple dans le cas où la température T d’un local est régulée, mais que la valeur de cette température oscille autour de la moyenne entre ±a = ±1 Kelvin, son incertitude-type sera donc estimée à u(T) = a/√2 = 0.71 K. La troisième cible de la figure 1 permet d’appréhender cette notion de dérivée d’arc sinus pour une valeur qui oscille autour de sa valeur moyenne.

Un dernière exemple qui permet d’illustrer la loi triangle rectangle est le cas où nous souhaitons verser une solution S dans un bêcher pour y remplir au plus 0.5 ml. Nous considérons que durant cette opération, la dernière goutte ne doit pas être versée si elle a des chances de dépasser 0.5 ml. Ainsi nous pouvons utiliser une loi triangle rectangle avec d = 0.5 ml, où l’incertitude-type est u(S) = d/√18 = 0.12 ml et sa moyenne est S = d/3 = 0.17 ml. Par conséquent, il faudra effectuer une correction systématique sur le volume de 0.17 ml et son incertitude-type associée vaut 0.12 ml.

Tous ces exemples ont permis de déterminer l’incertitude-type des grandeurs d’entrées Xi indépendamment les unes des autres, les valeurs fournies pour évaluer les incertitude-types ont été prises de telle sorte à coïncider entre les évaluations de Type A et de Type B et ainsi démontrer l’efficacité de l’évaluation empirique de Type B qui sera utilisée pour nos travaux de recherche. L’incertitude-type est donc un écart-type estimé qui caractérise la dispersion des valeurs qui pourraient être raisonnablement attribuées au mesurande. Cependant, comme nous l’avons vu dans la figure de la méthode des 5M, le mesurande à évaluer est composé d’une multitude de grandeurs d’entrée Xi à travers une fonctionnelle f (X1, X2,...,Xn). Par conséquent, pour évaluer l’incertitude-type du mesurande, il faudra prendre en compte toutes les grandeurs d’entrée simultanément. Leurs relations entre elles doivent aussi être prises en compte, c’est à dire qu’une grandeur d’entrée Xi peut interagir avec une grandeur d’entrée Xj, elles peuvent avoir un plus grand impact sur le mesurande qu’une autre grandeur d’entrée et finalement une grandeur d’entrée peut avoir un impact sur le mesurande seulement si elle est en interaction avec une autre grandeur d’entrée. Tous ces paramètres seront pris en compte lors de l’évaluation de l’incertitude-type composée du mesurande.


[1] : 3534 I 2006 Statistics – vocabulary and symbols – part 1 : General statistical terms and terms used in probability International Organization for Standardization 3534-1:2006
[2] : 3534 I 2012 Statistics – vocabulary and symbols – part 3 : Design of experiments International Organization for Standardization 3534-3:2012

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