Les plans de
Morris


Le plan de Morris est considéré comme une étude préliminaire, c’est une méthode qualitative qui donne des estimations approximatives avec un nombre limité de calculs. Elle va permettre de déterminer les grandeurs d’entrée non influentes et par la suite de les fixer à leur meilleure estimation. Cette étude préliminaire est importante pour nos travaux sachant que nous avons plus d’une centaine de paramètres d’entrée, ainsi nous écartons les grandeurs d’entrée négligeables et évitons d’alourdir les calculs durant la méthode des indices de Sobol.

Le plan de Morris est déterminé grâce à plusieurs plans d’expérience nommés OAT (One At a Time) [1] où pour chaque plan OAT nous allons faire varier, entre deux run successifs, une seule grandeur d’entrée à la fois. Les valeurs qi de chaque grandeur d’entrée Xi vont être préalablement discrétisées en plusieurs niveaux. Dans nos travaux nous prenons essentiellement p = 5 niveaux : qi = [mini, minii, mini+2×Δi, mini+3× Δi, maxi], où Δi =(maxi-mini)/4. Par exemple pour une grandeur d’entrée ayant une PDF bornée à ±a nous allons considérer avec Δi = a/2 les valeurs suivantes qi = [−a,−a/2, 0, a/2, a]. Dans le cas où la grandeur d’entrée est associée avec une PDF gaussienne, nous prendrons Δi = σ et donne les valeurs suivantes avec p = 5 : qi = [−2σ,−σ, 0, σ, 2σ].

Pour construire un premier plan OAT, un premier run va prendre aléatoirement (piochée à partir d’une loi uniforme) une valeur qi pour chaque grandeur d’entrée parmi leurs 5 niveaux correspondants. La valeur y de la grandeur de sortie Y est alors déterminée à travers le modèle de mesure avec les valeurs qi de chaque grandeur d’entrée Xi :


(1)

Toujours dans le même plan OAT, le prochain run va modifier aléatoirement de ±Δi une seule grandeur d’entrée (choisie aussi aléatoirement) alors que toutes les autres grandeurs d’entrée sont conservées à la même valeur du run précédent. Ainsi, nous allons pouvoir calculer l’effet élémentaire Ei de la i-ème grandeur d’entrée considérée qui a été modifiée :


(2)



(3)

Avec cette fois-ci Δ correspond à l’écart Δi normalisé sur [0, 1]. De façon générale, dans un plan OAC, la région d’expérimentation doit être limitée sur une séquence de niveau dimensionnelle régulière où pour p niveaux les valeurs qi prennent les valeurs [0, 1/(p−1), 2/(p−1), ..., 1] [2]. Par conséquent, Δ prendra la valeur ±1/(p−1) selon la direction pour passer d’un niveau à un autre. Dans notre exemple, pour une partition à p = 5 niveaux, Δ = ±0.25.

Le run suivant va de la même façon modifier aléatoirement de ±Δi une autre grandeur d’entrée en gardant toutes les autres grandeurs à la même valeur que le précédent run. Puis de façon générale, l’effet élémentaire Ei pour la i-ème grandeur d’entrée considérée est donné par :


(4)

Ce processus se fait ainsi pour les n grandeurs d’entrée jusqu’à obtenir tous les effets élémentaires Ei de toutes les grandeurs d’entrée qui constituent le premier plan OAT (r=1). Cependant, l’effet d’une grandeur d’entrée peut varier avec différentes valeurs des autres grandeurs d’entrée (dans le cas d’une interaction). Par conséquent, ce processus est répété R fois (r = 1 à R). Chacune des R répétitions commence avec une configuration de départ, où chaque valeur qi de chaque grandeur d’entrée est tirée aléatoirement parmi leurs niveaux de discrétisation. Ainsi nous avons répété R fois un plan OAT dans l’espace des grandeurs d’entrée, où le point de départ de chaque plan OAT est tiré aléatoirement et la suite de directions a permis d’évaluer séquentiellement et aléatoirement les 5 niveaux de chaque grandeur d’entrée.

L’ensemble des plans OAT (R répétitions) fournit R-échantillons des effets élémentaires Eri , pour chaque grandeur d’entrée Xi. R doit être choisi de telle sorte que tous les niveaux des grandeurs d’entrée soient pris en compte. Ainsi, l’effet moyen μ* est déterminé pour chaque grandeur d’entrée en calculant :


(5)

L’effet moyen d’une grandeur d’entrée est la moyenne des valeurs absolues de ses effets élémentaires [3]. Puis l’écart-type σ des effets moyens pour chaque grandeur d’entrée Xi est déterminé en calculant :


(6)

Par conséquent, plus l’effet moyen est grand, plus l’effet linéaire (effet de premier ordre) de la grandeur d’entrée est grand. C’est à dire que la grandeur d’entrée aura de façon autonome un impact sur l’incertitude du mesurande. De la même façon, plus l’écart-type est élevé, plus les effets d’interactions de la i-ème grandeur d’entrée considérée sont élevés, c’est à dire que la grandeur d’entrée i aura un impact sur l’incertitude du mesurande seulement si elle est en interaction avec une autre grandeur d’entrée.

Pour illustrer la mise en place d’un plan de Morris, nous reprenons l’exemple du cylindre. Dans un premier temps, les cinq niveaux de chaque paramètre d’entrée R, h, ε1 et ε2 sont prédéfinis comme présenté dans le tableau suivant :

Tableau 1 - Mise en place des cinq niveaux de chaque grandeur d’entrée R, h, ε1 et ε2 grâce à la valeur de leur Δi.


Une fois les niveaux définis, nous allons mettre en place cinq plan OAC indépendants qui sont illustrés dans la figure 1. Pour un plan OAC, un premier run choisit aléatoirement la valeur de R, h, ε1 et ε2 et la grandeur de sortie Vol est calculée. Ensuite, une des quatre grandeurs prise aléatoirement est modifiée de ±Δi pris aussi aléatoirement, la grandeur de sortie Vol est alors calculée. L’effet élémentaire de la grandeur modifiée est déterminé à partir de l’équation 4 en ayant normalisé Δi. Ainsi de suite, l’effet élémentaire des trois autres grandeurs est déterminé de la même façon. Ce processus est répété indépendant R = 5 fois pour obtenir 5 effets élémentaires pour chaque grandeur d’entrée. A partir de ces valeur nous obtenons l’effet moyen μ* et l’ecart-type σ de chaque grandeur d’entrée avec les équations 5 et 6.



Figure 1 - Mise en place des plans OAC répétés 5 fois, pour chaque plan OAC l’effet élémentaire est calculé pour chaque grandeur d’entrée en utilisant l’équation 4. Puis la moyenne μ* et l’écart-type σ de ces effets élémentaires sont calculés à partir des équations 5 et 6 afin de pouvoir mettre en place le plan de Morris.

A partir des valeurs de l’effet moyen et de l’écart-type de chaque grandeur d’entrée, nous pouvons établir un plan de Morris (figure 2) avec en abscisse μ* et en ordonnée σ. Dans cet exemple, nous pouvons visualiser que les paramètres R et h ont un plus grand impact dans le modèle de mesure par rapport à ε1 et ε2, c’est à dire que R et h ont une plus grande sensibilité d’ordre 1. Par contre, les quatre paramètres ont très peu d’interaction entre eux (σ proche de 0), leurs sensibilités supérieures à l’ordre 1 sont négligeables.



Figure 2 - Représentation du résultat du plan de Morris avec l’exemple du cylindre. L’effet moyen de chaque grandeur d’entrée est reporté en abscisse. La dispersion de chacun des effets est reportée en ordonnées. De ce fait, les grandeurs d’entrée situées du côté droit du graphe ont un effet moyen important, c’est-à-dire un indice de sensibilité d’ordre 1 important. De la même manière, les grandeurs d’entrée situées dans le haut du graphe présentent une grande dispersion dans l’estimation de leur effet, dans cet exemple elles ne sont pas impliquées dans une interaction significative dans ce modèle.

Ce plan de Morris a été mis en place à partir de seulement quatre paramètres et nous a permis de donner une indication, au sens qualitatif, sur leurs effets dans le modèle de mesure. Dans nos travaux, avec plus de 140 grandeurs d’entrée, certaines vont être situées vers l’origine du plan de Morris, elles n’auront ni d’effet moyen ni d’interaction dans le modèle de mesure. Par conséquent, elles seront écartées pour la deuxième étape de l’analyse de sensibilité qui concerne la quantification des effets des grandeurs d’entrée non négligeables avec la méthode de Sobol. Avant de présenter les indices de Sobol, la section suivante va introduire les indices de sensibilité afin de comprendre l’intérêt de l’outil statistique de Sobol.


[1] : Daniel C 1973 One-at-a-time plans Journal of the American Statistical Association 68 353–360
[2] : Saltelli A, Ratto M, , Andres T, Campolongo F, Cariboni J, Gatelli D, Saisana M and Tarantola S 2008 Sensitivity analysis : From theory to practice Global Sensitivity Analysis. The Primer (John Wiley & Sons, Ltd) pp 237–275
[3] : Campolongo F, Cariboni J and Saltelli A 2007 An effective screening design for sensitivity analysis of large models Environmental Modelling & Software 22 1509–1518

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