L'incertitude de mesure
Evaluation

« Lorsqu’on rend compte du résultat d’un mesurage d’une grandeur physique, il faut obligatoirement donner une indication quantitative sur la qualité du résultat pour que ceux qui l’utiliseront puissent estimer sa fiabilité. En l’absence d’une telle indication, les résultats de mesure ne peuvent pas être comparés soit entre eux, soit par rapport à ces valeurs de référence données dans une spécification ou une norme. Aussi est-il nécessaire qu’il existe une procédure facilement applicable, aisément compréhensible et largement acceptée pour caractériser la qualité du résultat d’un mesurage, c’est-à-dire pour évaluer et exprimer son incertitude. »

GUM


L’évaluation de l’incertitude de mesure peut s’exprimer à partir de certaines caractéristiques du processus de mesure telles que la sélectivité, la spécificité, la justesse, la fidélité, la linéarité, la sensibilité, la répétabilité, la reproductibilité, la robustesse, etc. Généralement, ces caractéristiques s’évaluent grâce à des travaux expérimentaux où l’estimation de l’incertitude de mesure implique de considérer toutes les sources d’erreur connues dans le processus de mesure. Cette estimation doit être effectuée conformément au « Guide de l’expression de l’incertitude de mesure » (GUM) [1].

Nous prendrons dans un premier temps l’exemple de la hauteur d’un point de l’échantillon que nous souhaitons mesurer à l’aide de l’AFM métrologique. Cette hauteur Z est appelée le mesurande, il est la grandeur particulière que nous cherchons à mesurer. Nous procédons donc à un mesurage qui consiste à déterminer la valeur de ce mesurande par le biais de l’AFM métrologique en réalisant une multitude de mesures sur ce même point de l’échantillon, le résultat de ce mesurage est donc déterminé sur la base d’une série de i observations. Ainsi, les valeurs Zi trouvées sur ces observations répétées vont fluctuer autour d’une moyenne sous l’influence de grandeurs ayant un impact sur le résultat de mesure de la hauteur de référence Zr (figure 1). Durant une série de mesures où Z est la moyenne de la série d’observation des valeurs Zi, nous avons dans cet exemple trois types d’erreur. L’une est définie par l’erreur de mesure qui est la différence entre la valeur mesurée Zi et la valeur de référence Zr. La deuxième est l’erreur aléatoire (composante aléatoire) durant les mesures répétées qui varie de façon imprévisible autour de Z, elle est représentative de la fidélité des mesures. La dernière est l’erreur systématique (composante systématique) qui demeure constante entre Zr et Z ou peut varier de façon prévisible, elle est représentative de la justesse des mesures.


Figure 1 - Valeurs obtenues pour l’exemple de mesurage de la hauteur Z d’un point de l’échantillon avec l’AFM métrologique. Zr est la hauteur que nous cherchons à mesurer, Z est la moyenne de la série d’observation des valeurs Zi mesurées.


Ainsi notre mesurande Z va être caractérisé par la moyenne des i mesures répétées et des erreurs autour de cette moyenne. Cependant, dans cet exemple, nous pouvons constater que le mesurande Z ne coïncide pas avec la valeur de référence Zr. Pour réduire les erreurs, deux règles sont appliquées et constituent la base de la démarche du métrologue qui cherche à donner la meilleure estimation possible du mesurande. La première diminue les erreurs aléatoires en augmentant le nombre i d’observations où chaque mesure est indépendante pour ainsi faire converger la moyenne. La deuxième diminue les erreurs systématiques en appliquant des corrections. L’application de corrections est l’opération la plus difficile pour le métrologue, elle va requérir de sa part un sens aigu de l’analyse, une grande connaissance du procédé de mesure et des principes physiques. Il s’agit d’être capable de comprendre le processus de mesure de façon à identifier tous les facteurs qui peuvent influencer le résultat, puis seront appliquées les corrections nécessaires qui permettront de compenser ces erreurs présumées. Le métrologue va donc s’intéresser au processus qui conduit à l’obtention d’un résultat de mesure. Dans ce processus vont intervenir : les opérateurs, les instruments utilisés, les étalons qui ont servi de référence, la méthode de mesure, le mode opératoire utilisé, la mesure de l’environnement tels que la pression, la température et l’hygrométrie, l’objet mesuré, etc. Le métrologue va donc identifier tous les facteurs qui influencent le résultat de mesure (sources d’erreurs) en dressant une liste aussi exhaustive que possible afin de pouvoir les caractériser, les maitriser et diminuer leurs effets. Il est supposé que le résultat d’un mesurage a été corrigé pour tous les effets systématiques reconnus comme significatifs et que tous les efforts pour leur identification ont été faits. Le processus de mesure est donc une description détaillée d’un mesurage conformément à un ou plusieurs principes de mesure et à une méthode de mesure donnée, fondée sur un modèle de mesure et incluant tout calcul destiné à obtenir un résultat de mesure. Une méthode dite des 5M peut être réalisée (figure 2) afin de répertorier toutes les sources sujettes à engendrer une incertitude sur le mesurande.


Figure 2 - Exemple d’une description détaillée par la méthode des 5M de la procédure de mesure.


Par conséquent, le mesurande Z, pris dans l’exemple précédent, n’est pas mesuré directement mais il est déterminé à partir de N autres grandeurs d’entrée X1, X2, ..., Xn à travers une fonctionnelle f :


(1)

Ces grandeurs d’entrée X1, X2, ..., Xn représentent toutes les informations nécessaires pour calculer le résultat. Certaines grandeurs d’entrée peuvent elles-mêmes dépendre d’autres grandeurs (covariance, interaction, etc.) ainsi que d’autres corrections pour les effets systématiques. La fonction f n’exprime pas simplement une loi physique, mais un modèle mathématique qui est le processus de mesure qui doit contenir toutes les grandeurs d’entrée qui contribuent significativement à l’incertitude du résultat final. Par exemple si nous considérons la grandeur X1 caractérisant les dilatations sur la hauteur Z de l’échantillon, une correction va être du type :


(2)

où Zi sont nos mesures répétées, α le coefficient de dilatation (coefficient linéaire de température) et ΔT la variation de température durant la mesure Zi. Cependant, le résultat d’un mesurage après correction des effets systématiques reconnus reste encore seulement une estimation de la valeur du mesurande en raison de l’incertitude provenant des effets aléatoires et de la correction imparfaite du résultat. Pour l’exemple de la grandeur d’entrée de dilatation, la valeur de la variation de température possède des incertitudes provenant de l’étalonnage de la sonde de température, de la valeur donnée de température limitée par la résolution de la sonde (pas de quantification Q), etc. C’est donc à partir de cette étape que les incertitudes vont intervenir. Il existe dans la pratique de nombreuses sources possibles d’incertitude dans un mesurage, telles que : la définition du mesurage incomplète, la réalisation de la définition du mesurande imparfaite, l’échantillon mesuré peut ne pas être représentatif du mesurande défini, les connaissances des effets des conditions d’environnement sont insuffisantes ou leurs mesurages sont mal caractérisés et imparfaits, l’observateur peut mal interpréter la lecture des instruments analogiques, la résolution finie de l’instrument est limitée, la valeur des étalons et matériaux de référence peut être inexacte, etc. Ces valeurs et incertitudes peuvent être obtenues à partir d’observations répétées, de jugements fondés sur l’expérience, sur des grandeurs associées à des étalons, sur des matériaux de référence certifiés ou sur des valeurs de référence provenant de la littérature. Il va donc falloir évaluer toutes ces incertitudes liées aux différentes grandeurs d’entrées Xi.


[1] : 100 J 2008 Evaluation of measurement data - Guide to the expression of uncertainty in measurement BIPM 1st ed

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